Portrait de Cristiano Mangovo
A quelques jours de l’événement caritatif « Vos Œuvres pour Nos Ouvres » au profit du Samu Social de Luanda, VEA a souhaité vous présenter un de ses généreux donateurs, l’artiste peintre Cristiano Mangovo.
A quelques jours de l’événement caritatif « Vos Œuvres pour Nos Oeuvres » au profit du Samusocial International en Angola, VEA a souhaité vous présenter un de ses généreux donateurs, l’artiste peintre Cristiano Mangovo.
C’est en toute générosité qu’il nous a convié à venir à sa rencontre chez lui, pour découvrir l’univers dans lequel il peint ses toiles.
VEA : Qui es-tu, Cristiano ?
A presque 34 ans, je me définis volontiers comme un « artiste oiseau reporter ». Peintre, photographe, sculpteur, scénographe, je suis séduit par l’univers créatif.
Je suis né en 1982 à Cabinda, au nord de l’Angola. Réfugié très jeune à Kinshasa, au Congo, grâce au soutien de ma mère, j’ai suivi les cours d’Humanités Artistiques où en 2003 j’ai obtenu mon diplôme d’état dans la filière peinture. J’ai poursuivi mes études supérieures à l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa dans le but de compléter ma formation et maîtriser la composition picturale. Ce qui m’a décidé à délaisser rapidement l’art de la rue et le graffiti pour embrasser cette nouvelle forme d’expression.
En 2009, à mon retour à Cabinda, je me suis installé comme artiste peintre. J’ai commencé à peindre de l’art contemporain, mais je me suis vite rendu compte de l’intérêt des clients pour l’artisanat. J’ai alors décidé de me former et j’ai très vite pu proposer des tableaux d'imbondeiros, de scènes de marché. Ces tableaux sont une part de moi et font partie de ma collection personnelle que j’ai laissée dans ma famille à Cabinda.
En 2011, une rencontre avec un photographe a donné un tournant à ma vie d’artiste et j’ai décidé de partir m’installer à Luanda. A mon arrivée, j'ai retrouvé un monde vaste, de chaleur, de mouvements comme à Kinshasa : des zungueiras, des vendeurs de rue, des embouteillages, ce soleil frappant… Une réalité bien différente de Cabinda.
Des petits boulots du début, j’ai vite ressenti le besoin de renouer avec ma passion. J’ai intégré l’atelier du maître Patricio Lazaro Mawete et du maître Antonio Anna Etona pour renforcer mon savoir-faire et en 2013, inspiré par mes maîtres, j’ai créé mon atelier.
A mes débuts, je peignais mon quotidien. J’étais inspiré par ce folklore ambulant. Cela s’en ressent dans mes premières réalisations où des ambiances de rue, les vendeuses avec leurs paniers, la vente de l’eau, les « fiscal » sont venus animer mes toiles.
En 2015, je me suis lancé dans une série « Guiadores » autour de l’Homme-moto qui alimente encore aujourd’hui mon œuvre.
La symbolique de l’Homme-moto est forte. L’Homme-moto est une personne qui a la capacité de bien connaître ses objectifs, qui sait s’auto-guider, et guide les autres… La lumière du phare illumine, le guidon nous dirige et nous devons avoir la sagesse de suivre nos rêves, nos objectifs.
Lors de ma dernière exposition à Milan, j’avais imaginé toute une mise en scène autour de 4 immenses sculptures d’Homme-moto habillées de fer et de matériels recyclés. J’aime les performances, car elles me permettent de me dévoiler au public et de les inciter à réfléchir à cette thématique: « être protégé partout où que nous soyons. »
VEA : Comment travailles –tu ?
Je définis mon travail comme une vision de l’art académique que je mixte volontiers à l’art européen.
La scénographie a aussi une part bien présente dans mon univers créatif ; l’installation et la performance. Cela me permet d’interagir avec mes œuvres et je dévoile ainsi mon message au public.
Pour composer une œuvre, je me laisse volontiers guider par mon inspiration. Quand j’oublie le temps, je me marie avec le temps et quand je sens que je suis en accord avec mon objectif, je m’arrête.
Pour les commandes des clients, la démarche est différente. Les clients me guident et s’établit ainsi un échange, on compose ensemble. Rien n’est rigide ! L’artiste n’est pas un égoïste, c’est une personne sociale.
VEA : On dit que tu travailles beaucoup avec les enfants ?
J’investis aussi beaucoup de mon temps dans le travail avec les enfants.
Tout a débuté lors de ma préparation pour l’exposition de Milan, où déjà j’impliquais les enfants de ma rue. Ils allaient me chercher le plastique que je brûlais pour habiller les structures de mon œuvre et en même temps, ils découvraient ainsi les techniques que j’utilisais.
Ensuite, un workshop de formation sur l’utilisation des canettes m’a permis de travailler et de sensibiliser les enfants du mémorial Agostinho Neto et ceux de l’Académie Arte e Cultura sur la valorisation de ce type de déchets.
Actuellement, je travaille avec les élèves du lycée français Alioune Blondin Beye, pour les aider à construire les pièces de la scénographie pour leur spectacle de fin d’année, sur le thème d'un conte.
Former les enfants, donner une partie de moi, de ma connaissance, me procure beaucoup de joie. Ils apprennent la technique du couteau. C’est comme si je me divisais en plusieurs enfants.
VEA : Qu’est-ce qui t’a motivé dans Vos Œuvres pour nos Œuvres ?
Ce qui m’a interpellé c’est le message que vous portiez « donner pour donner ». C’est un message qui m’a beaucoup plu. J’ai aimé l’initiative de partager un peu de moi avec les autres. En plus, ce travail s’inscrit dans l’aide au Samusocial et du coup l’aide aux enfants qui est une cause très importante à mes yeux.
VEA : Quelle est ton actualité en ce moment ?
J’expose actuellement au Cap en Afrique du Sud, où je prévois de réitérer l’expérience avec cette fois-ci une structure de fer de 5m, recouverte par une moustiquaire. Les visiteurs seront amenés à entrer par une porte pour découvrir mes 4 sculptures.
En mai, j’ai une exposition au Cameroun pour le mois de l’Afrique.
Je prépare aussi le concours ENSA ARTE pour le 28 avril au centre culturel Brasil Angola (CCBA) à Kinaxixi.
C’est un concours national organisé tous les 2 ans autour de différents prix : peinture, sculpture, prix de la jeunesse, prix de l’Alliance Française et un prix d’encouragement. La participation est de 2 œuvres pour chaque discipline.
En 2014, j’avais remporté le prix de l’Alliance Française grâce à ma série « Guiadores » qui m’avait permis d’exposer à l’Institut des Arts à Paris.
Cette année, le concours réunit plus de 500 participants et je fais partie des 31 sélectionnés.
VEA : As-tu une anecdote pour nos lecteurs ?
Oui, bien sûr !
C’était pour un concours sur la violence sexuelle faite à la femme, organisé par le Fond des Nations Unies pour la Population à Kinshasa.
J’avais peint une œuvre qui correspondait au thème du concours mais qui n’avait pas fait l’unanimité. En effet, mon œuvre mettait en scène le viol d’une femme par des militaires.
A la cérémonie, je m’étais déplacé pour venir encourager mes collègues. Lors de la remise des prix, le représentant de l’organisation avait acclamé l’ensemble des artistes. Je me rappelle encore son discours: « Toutes les œuvres étaient magnifiques. J’ai adoré une œuvre qui se distingue par le brio de l’artiste. Bien qu’elle ait répondu aux concours, elle n’a pas retenu l’approbation du jury. Je souhaite décerner un Prix Spécial à l’artiste qui est Mr Cristiano Mangovo ».
Je me rappelle encore la joie que j’avais ressentie.
Par la suite, la photo de mon œuvre a été utilisée pour réaliser un calendrier pour l’Organisation des Nations Unies.
VEA : As-tu un rêve ?
J’ai toujours rêvé de former un centre pour les sourds-muets en art. Parmi eux, il y en a beaucoup qui savent bien dessiner mais malheureusement il n’y a pas d’école, ni de structure en Angola pour les former, leur apprendre l’art.
VEA : Que dirais-tu à un enfant qui rêve de devenir artiste ?
Croire à son rêve, c’est difficile mais c’est aussi facile.
La vie est difficile mais il doit faire ce travail avec le cœur. Il doit d’abord penser à offrir le meilleur de lui et après tout arrive: le succès, l’argent, les femmes…
Il est important qu’il se dédie à cette tâche en offrant et ouvrant son cœur.
Evènement « Vos œuvres pour nos œuvres », ce jeudi 14 avril de 18h à 20h à l’Epic Sana.
Crédit Photos: Anne-Laure Seret