Chronique de la mer – Le mythe de Kianda

Vivre en Angola - 5 avril 2024

Pour continuer ce mois d’avril autour du thème de la mer, nous vous proposons une plongée dans les eaux profondes de l’Angola en vous parlant du mythe de Kianda. Qui est Kianda? Quelle est son importance dans la culture angolaise ? Nous avons mené l’enquête.

Pour continuer ce mois d'avril autour du thème de la mer, nous vous proposons une plongée dans les eaux profondes de l'Angola en vous parlant du mythe de Kianda. Avec un littoral de plus de 1600 kilomètres, il y a fort à parier que le pays y ait puisé certaines de ses croyances, légendes ou personnages mythiques.

Peut-être avez-vous remarqué qu'à Luanda, certaines devantures, restaurants, ou par exemple l'Ecole de Surf de Cabo Ledo portent le nom de Kianda. Qui est-elle ? Quelle est son importance dans la culture angolaise ? Nous avons mené l'enquête et vous livrons ici quelques éléments de réponses.

Qui est vraiment Kianda?

L'existence de Kianda (le singulier de "iandas") est quelque peu controversée. Certains lui ont donné le nom de sirène, d'autres et parmi eux des anthropologues n'aiment pas cette appellation. Pour Virgílio Coelho, Kianda, à l'instar de Kituta ou Kiximbi sont des esprits de la nature crées par Nzambi (Dieu). Il rejette catégoriquement ce parallèle fait avec le mythe de la sirène.
Ruy Duarte de Carvalho,  anthropologue et  cinéaste, affirme que Kianda appartient tant au monde de la mer qu'à celui de la terre, le baobab étant son arbre de prédilection.

Dans le dictionnaire quimbundo/portugais, le terme "kianda" est traduit comme étant un monstre de la mythologie, déesse des mers, qui se traduirait aussi par le mot sirène en portugais. En réalité, Kianda est un personnage beaucoup plus complexe qui peut prendre des apparences multiples et disparaître dans la mer.

Ce serait un être surnaturel qui commande les mers, les rivières et cours d'eau, les montagnes et les forêts. Chaque environnement aquatique, chaque cours d'eau, chaque étang a une Kianda qui prend le nom de la rivière ou du lac où elle se trouve.
Cette divinité dotée de pouvoirs surnaturels peut faire tantôt le bien tantôt le mal. Elle suscite la peur et le danger mais peut aussi incarner l'amour...
On distingue La Kianda, qui est la sirène des sirènes, la reine de toutes les autres. Elle est la plus puissante, la plus aimée, vénérée et redoutée.

La légende de Kianda

illustration kianda 3On raconte que Kianda vivait près de Praia do Bispo, à Luanda.
Un jour, vint un homme misérable, triste et solitaire. Dans un acte de bonté, Kianda lui offrit un trésor caché dont elle seule avait connaissance. L'homme profita de ce trésor pour s'enrichir encore plus et au fur et à mesure il devint égoïste et cupide.
Il n'utilisait sa richesse qu'à des fins personnelles sans en faire profiter la communauté. Voyant cela, Kianda fort déçue par le comportement de son élu, décida de le punir faisant disparaître le trésor et laissant le pêcheur sans rien du jour au lendemain.
Parfois il se dit que l'homme fut ensorcelé et gardé prisonnier au fond des mers pour toujours.

Quelques représentations de Kianda

Kianda-port-LobitoDivers tableaux représentent Kianda sous forme de sirène, comme par exemple “A felicidade da Kianda” du peintre angolais Admario Costa Lima, où la sirène apparaît comblée de bonheur enceinte.

Autre exemple, le tableau intitulé “Oferendas para a Kianda” de George Gumbe. Le peintre a fait son auto-portrait au milieu des animaux terrestres et maritimes, s'offrant ainsi lui-même à la divinité.

Il existe également une sculpture de sirène au port de Lobito (photo) dans le sud de l'Angola qu'on imagine être une représentation de Kianda.

L'auteur Pepetela, écrivain angolais qui a remporté le Prix Camões en 1997, a écrit et publié un roman en 1995 intitulé “O desejo de Kianda” (le vœu de Kianda).
L'histoire se déroule dans le quartier de Kinaxixi à Luanda. Les bâtiments s'effondrent tous les uns après les autres sans que personne ne comprenne pourquoi... Plus mystérieux encore, personne ne se blesse en tombant des immeubles qui s'affaissent lentement sur le sol. Les scientifiques affirment que l'eau a été retirée du ciment qui a servi à fabriquer le bâtiment, ce qui en provoque la chute, mais personne ne sait ni pourquoi, ni comment...
La réponse à cette question est donnée par Cassandra, une jeune fille qui peut entendre une voix émanant d'une flaque d'eau près des bâtiments, et tout au long du texte, on comprend qu'elle perçoit la voix de Kianda, et que c'est elle qui est responsable de la destruction des immeubles. On découvre alors que le quartier a été construit au-dessus d'un étang où Kianda a vécu par le passé. Elle cherche un moyen de récupérer son bien, alors elle commence à chanter déclenchant ainsi un véritable séisme.

O Desejo de Kianda - Pepetela

Quelle est l'importance de Kianda dans la culture angolaise?

Même s'il est un peu tabou d'en parler, le peuple angolais respecte immensément Kianda et chaque année un rituel d'adoration est célébré en son nom.

A Luanda, la célébration a lieu début novembre sur Ilha. Les gens apportent des offrandes, chantent et dansent. S'en suit une procession jusqu'à la mer où les offrandes sont jetées à l'eau tandis que l'on joue des percussions au rythme de la samba (batuque) pour satisfaire la divine Kianda.

Il y a quelques années, dans le lagon d'Ibendoa, dans la province de Bengo près de Caxito, les habitants de la région se sont plaints du manque de poissons dans leurs eaux habituellement bien fournies. En cause selon eux : le manque de cérémonies traditionnelles allouées à Kianda. Ce sujet fort sérieux fut le thème d'un travail journalistique dont l'auteur gagna le premier prix de journalisme de Bengo.

Dans cette même province, chaque année la célébration de la Kianda a lieu sur le lagon d'Ibendoa les 26 et 27 juillet.

Lors du passage des baleines le long des côtes angolaises en octobre/novembre, pour ceux qui ont la chance de faire un tour de bateau, n'oubliez pas de regarder si vous voyez Kianda ! Peut-être vous offrira t'elle son trésor...

Sources : blog de Nossa Avenida, blog Angola Meu Amor,

Remerciements : Vivian Antonio et Antonio Pinto.

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