Daniela Ribeiro, une artiste plasticienne angolaise passionnée !
Daniela passe toute son enfance à Luanda de 1972 à 1992. Cette période très troublée à cause de la guerre lui forge une force de caractère immense. Toute petite, déjà, elle est très créative mais n'a ni crayons, ni pinceaux, ni outils pour s'exprimer. Elle joue avec la terre rouge de la rue et utilise ce qu'elle y trouve pour ses premières créations !
A l'âge de 20 ans, elle part au Portugal pour y étudier. Ayant baigné toute son enfance dans un contexte où la conscience politique était prépondérante ( son père étant un homme d'état ), elle passe une Licence de Relations Internationales. Elle a vraiment envie de comprendre tous les mécanismes inhérents à la guerre. Ces études lui permettent d'affiner sa culture générale et de structurer sa pensée politique. Elle travaille successivement à la Présidence du Portugal, à la Présidence du Conseil de l'Union Européenne, ce qui lui permet de comprendre l'importance des sphères d'influence, utiles, pense-t-elle, quelque que soit la profession qu'on exerce.
Son mode de vie, sa pensée, son existence sont complètement remis en question après le 11 septembre 2001. Elle décide alors, après un long cheminement intellectuel, d'abandonner sa carrière et de se consacrer uniquement et complètement à la création d'oeuvres d'art. Cette polyglotte voyage partout en Europe pour enrichir son imaginaire...
" Quand je crée, mes sens sont exacerbés, actifs à 100%, je peux ne plus manger, ni dormir !"
Le film sur le télescope spatial HUBBLE va susciter, chez Daniela, une soif de comprendre l'infini... Elle étudie toutes les sciences qui ont trait à l'Univers et en tombe définitivement "amoureuse". Cela déclenche, chez elle, l'envie de le reproduire. Pour le faire, elle va utiliser des matériaux de synthèse et de la résine epoxy. Daniela est capable de recréer des planètes presque réelles et d'humaniser les machines. Elle a comme constante de ne travailler que sur des grands formats.
Daniela découvre aussi les " super " pouvoirs de la technologie et de l'intelligence artificielle. Elle dépèce les téléphones portables, pièce par pièce, fascinée par leur composition, les cartes- mère... En résultent des œuvres monumentales et très originales.
"Je pense que les machines ont une âme parce qu'elles sont l'interprétation et le prolongement des aptitudes, des capacités humaines !"
Angola, le retour !
Il y a trois ans, Daniela décide de revenir en Angola pour y retrouver son père et sa famille. Elle ne trouve plus d'intérêt à la culture occidentale qu'elle trouve rigide et triste.
"L'Angola est mon pays, c'est ma maison et je m'y sens bien. Je suis heureuse ici, ce sont mes racines..."
Elle retrouve sa patrie en pleine mutation démocratique, un pays en devenir mais qui garde ses traditions, sa culture orale, sa musique, un pays qui la fait vibrer!
Elle estime que les Africains ont un message de paix fondamental pour le monde: " Personne ne peut expliquer la culture africaine, dit-elle, car elle est basée sur l'oralité. Les Africains n'ont pas changé la nature, n'ont pas construit, n'ont pas écrit parce qu'ils chantent et qu'ils dansent, mais ils sont encore là dans notre monde avec une force immense !"
Daniela veut sauver l'art traditionnel essentiellement élaboré avec des ressources naturelles comme le bois, les plantes, les pigments. Elle va donc créer une série d'oeuvres de très forte inspiration africaine angolaise qu'elle appelle " A Nossa Cultura ". Elle y mêle étroitement les supports et images traditionnels de son pays à des représentations résolument contemporaines uniquement réalisées avec des composants électroniques.
L'artiste donne, grâce à cette technique unique et originale, une image complètement dépoussiérée, avant-gardiste et pleine d'espoir de l'Angola qui bouge et va de l'avant, tout en gardant ses traditions.
Palanca Parade
Daniela Ribeiro participe aussi au projet Palanca Parade.
Ce projet, subventionné par des entreprises locales et internationales, permet à des artistes et des designers, de mettre en scène leur Palanca, sculpture vierge grandeur nature. L'exposition de ces oeuvres, qui parcourront le pays jusqu'en 2014, permettront d'obtenir des fonds afin d'aider les enfants défavorisés et les personnes déficientes. Cela contribuera aussi à la préservation de la Palanca Negra, symbole endémique de l'Angola et de l'âme angolaise.
Subventionnée par une marque française, Daniela travaille sur "sa Palanca" et en donne, là encore, son interprétation toute personnelle !
En seulement dix ans, Daniela Ribeiro devient une artiste foisonnante, internationalement reconnue. À Luanda, elle est en train de mettre en place le Conservatoire d'Art Contemporain en Angola dans le "train de Miramar" qui est maintenant son atelier. Elle envisage aussi d'initier un Pôle Créatif de réutilisation des déchets industriels et d'aider à la réintégration des artistes angolais dans le monde du travail.
"Je suis une femme, africaine, artiste, mais je ne me sens pas marginalisée... Mon affirmation artistique a été difficile, douloureuse car je ne suis sortie d'aucune école d'art et que je n'ai pas de conseiller artistique. Je me suis construite moi-même, travaillant souvent plus de 16 heures par jour, jusqu'à ce que je ressente la qualité finale de mon travail. Je fais beaucoup de recherches et creuse très profondément les thèmes, les sujets que je travaille, en m'investissant toujours énormément émotionnellement. Mais je suis heureuse et vis intensément de ma passion !"
Interview accordée par Daniela Ribeiro et réalisée par Marie-Armelle Giorda et Anne-Laure Seret
Luanda, 2014