Chronique économique: Les chiffres clés de l’Angola
Un de nos lecteurs, spécialiste en économie, nous éclaire sur la situation économique actuelle de l’Angola!
Michel Abdelhouab, professeur d'économie au lycée français de Luanda depuis 18 mois a écrit une chronique économique afin de développer nos connaissances sur la situation économique du pays.
Dans cet article, il nous en dit plus sur les indicateurs économiques de l'Angola et nous fournit une analyse de la situation économique actuelle.
Principaux indicateurs économiques
PIB 2017 : 110 milliards de dollars
2015 | 2016 | 2017(p) | 2018(p) | |
Croissance PIB (%) | 3,0 | -3,6 | 1,1 | 1,9 |
Inflation (moyenne annuelle, %) | 10,2 | 32,1 | 32,0 | 20,3 |
Solde public / PIB (%) | -3,3 | -6,0 | -6,1 | -5,5 |
Solde courant/ PIB (%) | -10,0 | -6,4 | -5,2 | -4,5 |
Dette publique / PIB (%) | 44,3 | 59,2 | 61,0 | 62,0 |
Population : 27,4 millions
PIB par habitant : 3 485 $US
Evaluation des risques pays : D
POINTS FORTS
- Importante production pétrolière
- Lancement de la production de gaz naturel liquéfié
- Potentiel économique considérable : diamant, fer, or, cuir, agriculture, pêche, ressources hydroélectriques
- Soutien financier international
POINTS FAIBLES
- Vulnérabilité au retournement des cours pétroliers
- Chômage élevé (26 %), fortes inégalités sociales et disparités régionales
- Déficience des infrastructures
- Fragilité du secteur bancaire
- Contrôle de la politique et de l’économie exercé par une petite élite
- Conflit avec les séparatistes de l’enclave de Cabinda
Appréciation du risque
L’augmentation de la production pétrolière soutient un timide rebond
Dépendante de l’activité pétrolière, la croissance a faiblement rebondi en 2017 grâce à la reprise des cours de l’or noir et au dynamisme des volumes exportés, notamment vers la Chine. En 2018, le rebond devrait se poursuivre grâce à la mise en service du champ pétrolier de Kaombo (Total). Les ventes de pétrole, qui représentent plus de 90 % des recettes d’exportations, pourraient bénéficier d’une plus grande fermeté des cours du baril. Toutefois, la dynamique de la demande chinoise, dans un contexte de ralentissement de l’économie constitue une source de risques. En dehors du secteur pétrolier, les perspectives de croissance demeurent faibles. Le déséquilibre budgétaire devrait contraindre l’investissement public, notamment dans le secteur de la construction, malgré les ambitions de développement des infrastructures qui seront présentées dans le Plan National de Développement 2018-2022 en préparation. L’investissement dans les coûteux projets offshore devrait stagner car les opérateurs pétroliers limitent leurs dépenses dans le développement de ceux-ci depuis la chute des cours en 2014. Hors pétrole, le climat des affaires difficile demeure un obstacle à l’accroissement des flux d’investissements étrangers. Une augmentation du salaire minimum décidée mi-2017, la première depuis 2014, ne soutiendra pas la consommation des ménages en 2018. En effet, si sa baisse devrait se poursuivre en 2018, l’inflation restera élevée et continuera, ainsi, à saper le revenu des ménages. De plus, alors que la position extérieure angolaise demeure précaire, l’évolution des prix demeurera vulnérable à une nouvelle dévaluation de la devise locale (kwanza) en 2018.
Les déséquilibres budgétaire et extérieur menacent toujours
En 2018, les efforts de consolidation budgétaire devraient être accrus. Progresser dans la mobilisation des recettes non-pétrolières sera une priorité. L’augmentation de plusieurs taxes à la consommation et une revue des exonérations fiscales sont notamment prévues à cet effet. Toutefois, l’amélioration des recettes devrait rester tributaire des revenus pétroliers (70 % des recettes). Prévues en augmentation pour 2018 grâce à des prix plus élevés et à l’augmentation de la production, ces recettes permettraient au gouvernement de retrouver un peu plus de marge de manœuvre. Néanmoins, l’espace budgétaire, encore restreint, contraindra une augmentation significative des dépenses d’investissement en capital. La situation financière dégradée de certaines entités publiques et du système bancaire continuera de peser sur le budget, tandis que le service de la dette constitue une charge de plus en plus importante. Cette augmentation est liée à la hausse rapide du fardeau de la dette. Celle-ci, souvent à caractère non concessionnel, est à 78 % libellée en devises étrangères. Le gouvernement entend augmenter la part de dette locale (essentiellement en kwanza) pour financer le déficit.
Le déficit courant devrait continuer à diminuer en 2018, dans la lignée des cours de l’or noir. L’excédent de la balance des biens demeurera toutefois encore trop faible pour compenser les déficits de celles des services et des revenus. Aussi, la situation extérieure restera extrêmement fragile, car les investissements étrangers, directs ou de portefeuille, seront encore faibles et pourraient pousser le pays à se financer par la dette extérieure. Les interventions de la Banque Nationale de l’Angola (BNA) pour défendre l’ancrage du kwanza au dollar ont conduit à une détérioration des réserves de change en 2017. En l’absence de dévaluation en 2018, les réserves pourraient continuer à s’épuiser, car l’écart entre le taux de change officiel et le taux parallèle indique toujours un manque de liquidités en devises.
Changement de visage à la tête de l’Angola
Sans surprise, le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) s’est imposé lors des élections générales d’août 2017. En revanche, après 38 ans passés à la tête du pays, José Eduardo dos Santos (73 ans), qui demeure président du MPLA, a laissé la place à son ancien ministre de la Défense João Lourenço. Désireux d’affirmer son autorité, le nouveau président s’est signalé en opérant plusieurs changements à la tête des organes de presse d’État, de la BNA, et des entreprises nationales de diamants (Endiama, Sodiam). L’un des changements les plus notables est l’éviction d’Isabel dos Santos, fille de l’ex-président, de la tête de la compagnie publique pétrolière (Sonangol). Néanmoins, malgré ces changements, ce sera la capacité du président à mettre en œuvre les réformes économiques et sociales qui sera scrutée. En effet, le mécontentement de la population demeure face aux inégalités et à la pauvreté, exacerbées par la lenteur de l’activité économique et l’inflation. L’accent mis par le nouveau président sur le combat contre la corruption, l’amélioration de la gouvernance et du climat des affaires devra être suivi de réformes pour débloquer l’investissement privé. Des progrès en matière d’approvisionnement en l’électricité et d’obtention de permis de construire ont, certes, permis à l’Angola de progresser de sept rangs dans le dernier classement Doing Business 2018, mais le pays demeure en queue de peloton au niveau régional, comme mondial (175e sur 190) ; preuve d’un climat des affaires encore dégradé.
Les relations avec le Congo (Kinshasa) pourraient se tendre après que les violences dans les régions du Kasaï ont provoqué l’afflux de plus de 30 000 réfugiés en Angola.
Texte: Michel Abdelhouab
Crédit photo: Anne-Laure Seret et Brigida Begue
Dernière mise à jour : Mars 2018