Antonio Olé, l’observateur des sentiments !

Anne Ducognon - 19 janvier 2015

Antonio Olé, entouré de Vivian et de Marie-ArmelleJolie rencontre que celle que nous avons eue, chez lui, avec Antonio Olé ! Conversation à bâtons rompus...mais qui est-il?

Né en 1951 à Luanda, Antonio Olé est l'un des artistes angolais les plus connus, le plus reconnus dans le monde, à la fois peintre, photographe, cinéaste, plasticien, sculpteur et vidéaste.
Petit garçon, au Portugal, Antonio accompagnait sa tante qui avait fait l'école des Beaux Arts de Porto au cours de ses promenades...les carnets de croquis qu'elle emportait et remplissait furent déterminants pour son inclination artistique!

De retour à Luanda, à 16 ans, un de ses professeurs découvre son imagination, sa facilité à dessiner, sa fascination pour tout ce qui touche à l'art. Passionné par la BD et le Pop Art, il fait très rapidement partie du circuit artistique luandais et obtient même, en 1970, le premier prix du salon d'art moderne de Luanda. Sa volonté de devenir architecte avortée pour cause de manque d'école en Angola lui laissera un intérêt intact pour tout ce qui touche à l'architecture dans son pays et ailleurs...

À l'époque de l'indépendance, très influencé par l'art européen ("ma moitié portugaise me parlait plus à ce moment là que ma moitié angolaise!"), il décide d'arrêter de peindre et de s'adonner à une autre de ses passions,le cinéma. Il continue malgré tout à faire des illustrations pour des livres, des affiches de films...Il entre à la télévision nationale et y travaille: le 11 novembre 1975 l'a profondément marqué, passant plus de 12 heures à la régie, vivant intensément cette folle journée au coeur de l'action.

Après avoir tourné 8 documentaires, il désire se perfectionner. Fan des réalisateurs polonais, il aimerait partir étudier en Pologne, mais d'énormes difficultés l'en empêche. C'est finalement aux États Unis qu'il débarque, poussé par des amis américains. Il intègre l'UCLA, Université de Californie de Los Angeles. Quittant un Angola en pleine confusion, il en profite pour explorer de nouveaux domaines. À la fin de son cursus universitaire, il tourne un film documentaire sur "Les Carnavals Noirs" en Angola, au Brésil et à la Nouvelle Orléans.
Ce projet lui permet d'intégrer le prestigieux centre pour les études avancées de cinéma, The American Film Institute. Il en sort diplômé et rempli d'une énergie créative immense!
" Quand je peins, je suis dans mon bunker, complètement isolé du monde. Le cinéma, c'est une autre façon de fonctionner. Il est important de travailler avec des personnes qui sont comme une petite famille, ce sont les relations humaines qui font qu'un film se construit, se réalise!"

Antonio Olé - Visages

De retour en Angola,il tourne un petit film industriel pour Sonangol, mais se trouve un peu paralysé, enfermé dans un carcan. Il prend alors une décision capitale: Il décide d'être indépendant, free-lance. Après avoir réalisé pas moins de 12 films, il a envie de tourner sur sa ville natale, Luanda mais pour faire du cinéma en Angola, il faut trouver des aides et ce n'est pas le plus facile...
" l'espace pour la culture en Angola est encore réduit. L'Angola est un pays d'écrivains, reconnus internationalement et de ce fait, la littérature joue le premier rôle culturel, ici. Puis suivent la musique et la danse qui ont une importance vitale dans la société urbaine et rurale. Les arts plastiques et la sculpture sont les parents pauvres de la culture angolaise! L'Angola a gagné un Lion d'or à la Biennale de Venise, ce serait le moment idéal pour attaquer frontalement tout un programme afin de revitaliser le monde de l'art et son enseignement!"

Il se consacre ensuite à la photographie en réalisant, entre autres, de nombreux portraits d'hommes et de femmes graves, profondément humains...

Antonio Olé - Collages

En 1984, il recommence à peindre. Grâce à l'intervention bienveillante d'un français, Bernard Seys, qu'il appelait tendrement son "vice-ministre de la culture", il bénéficie d'un atelier d'artiste, un studio spécialement aménagé pour lui à l'Elinga Téatro, lieu mythique de la culture angolaise. Il y restera plus de 20 ans, voyageant beaucoup, exposant beaucoup...
" L'école sert à apprendre la, les techniques. Je suis un autodidacte et pour moi, la meilleure école est celle des musées! Je pense avoir visité la majeure partie des plus grands musées du monde. Toutes les oeuvres que j'y ai admirées, ont été, pour moi en particulier, une immense source d'inspiration! Je suis une sorte d'éponge qui s'imprègne, qui se nourrit de tout ce que je vois, de tout ce que je ressens...Grâce à toutes ces influences, y compris celles de mes amis artistes, j'ai pu développer mon art personnel!"

Après son installation à l'Elinga, Antonio a pu participer à de nombreuses Biennales dont celles d'Afrique du Sud et, à Dakar, à l'exposition "Les Magiciens de la Terre", qui offrait pour les artistes du Tiers Monde la possibilité d'exposer leurs oeuvres.
" Tout le monde attend que les artistes africains exposent des oeuvres liées à la tradition! C'est très difficile pour eux de se dégager de "l'exotisme" qu'attendent les occidentaux, mais moi, je veux faire autre chose et montrer la diversité de nos capacités..."

Antonio Olé - PeinturePour Antonio, l'art exige un partage, une discussion, un débat entre les artistes du monde entier afin qu'ils puissent s'enrichir mutuellement. L'art n'est pas égoïste!
" Le cinéma, la photographie, la sculpture sont importants pour moi mais tous les jours, j'ai un besoin vital de peindre, c'est mon moteur, mon énergie... Ici, en Angola, on doit survivre quand on est un artiste! Les angolais doivent se familiariser avec mon travail, l'abstraction leur est étrangère et je ne suis pas un peintre réaliste! Avec ma caméra, mon appareil photo, je le suis suffisamment..."

Il pense que les artistes contemporains ont une liberté immense: on peut faire se croiser toutes les formes d'art sans que cela ne pose de problèmes, ne crée de divisions. Il aime cette mixité car elle entraîne une grande richesse de créations, permet de nouveaux chemins stylistiques. Il ressent une certaine réserve quand à l'utilisation de l'outil informatique car il préfère travailler, créer avec ses mains, son corps, son esprit, son cerveau!!!

La culture représente une carte majeure pour communiquer avec les autres, leur faire partager notre réalité, leur révéler notre identité, c'est fondamental dit-il, mais le processus est très lent.
" J'adore travailler sur d'autres supports que la toile: le fer, l'acier, le marbre...Je suis un artiste touche-à-tout!!! La spécialisation m'angoisse, j'aime aller dans des univers différents, je m'amuse aussi à écrire quelques lignes, j'aimerais écrire un livre sur toutes mes aventures, il s'est passé tellement de choses dans ma vie...mais je ne suis pas pressé!"

Antonio Olé - Containers

Les projets d'Antonio, il y en a!!! L'École Kamama qui dispensera un enseignement artistique dans une structure cohérente pour "polir les diamants bruts que sont ces jeunes artistes". L'Angola doit travailler à leur développement et à leur rayonnement.

Antonio Olé - Fotografia InsulaPlus personnel celui-là, et directement lié à son attraction pour les îles, plus particulièrement africaines comme celles de Gorée, de Zanzibar, du Cap Vert, de Lamu, de Sao Tome e Principe, de Robben Island, de la Ilha de Luanda, de Mussulo et même de...la Réunion! Ces îles volcaniques forment un métissage de population qui interpelle Antonio, lui même métis! L'art de la navigation, la culture créole, la construction navale, l'interprétation religieuse, le mysticisme...autant de sujets qui lui permettront, par le biais de tous les supports artistiques qu'il pourra employer, de réaliser le film sur ces îles qui le font rêver, sa démarche restant celle d'un artiste et pas d'un historien, d'un sociologue,d'un anthropologue qu'il n'est pas!!!
En lui demandant quel mot, pour lui, caractériserait son Angola, il répond tout de suite: "DÉCENTRALISATION". Il est né à Luanda, y vit , y travaille et aime sa ville mais la trouve très stressante! Il milite pour la décentralisation, pour le " vivre mieux" dans ces 18 autres provinces de l'Angola qui, pense-t-il, ont d'énormes potentiels en harmonie avec la nature absolument magnifique de ce pays...

"MES SOURCES, MES RACINES SONT À LUANDA MAIS JE SUIS UN CITOYEN DU MONDE!"

Artiste foisonnant, éclectique et atypique, Antonio Olé, par le biais de ses oeuvres qui ne sont jamais les mêmes, nous fait voyager, nous étonne, nous interpelle et ne nous enferme pas dans un carcan pictural!

Et puis dans ses yeux, il y a des étoiles, des envies, des rêves, des oeuvres en devenir que nous avons hâte de découvrir...

Quelques dates relatives à son travail:
1978: film "O ritmo do Ngola Ritmos"
1980: film " No caminho das Estrelas"
1984: exposition au musée d'Art Afro-Américain de Los Angeles
1986, 1988, 1997: Biennale de La Havane
1987:Biennale de Sao Paulo
1992: Exposition universelle de Séville
1995,1997: Biennale de Johannesburg
2003: Biennale de Venise
De 2004 à 2007: exposition Africa Remix à Düsseldorf, Londres, Paris, Tokyo et Johannesburg

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